Pierre Arditti

Avant La Demi-Finale contre l’Angleterre
mercredi 10 octobre 2007
par  Stango
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Président d’honneur d’un club de rugby dans le Vaucluse depuis 20 ans, Pierre Arditi suit avec passion cette Coupe du monde. Selon lui, les Bleus devront se montrer très vigilants face aux Anglais.

Pierre Arditi, l’amateur de rugby que vous êtes, devait être très content samedi dernier... Les Français ont réalisé quasiment l’impossible. Ils ont eu une défense magnifique. Maintenant, évidemment ce dont on rêve c’est qu’il y ait cette défense là et un jeu encore plus abouti contre l’Angleterre. La pression était tellement forte face aux Blacks... Il est évident qu’on les a déjà vus jouer de manière plus exaltante en ce qui concerne l’attaque. Ils y sont allés aux forceps. Ce que l’on peut espérer pour la suite, c’est que cette défense reste brillante et qu’ils en profitent pour avoir un jeu plus créatif en attaque. Mais ils ont fait l’essentiel face aux Blacks. On ne va pas commencer à déblatérer là-dessus.

Si vous deviez ressortir quelques joueurs du lot, quels seraient-ils ? Moi j’aime beaucoup Jean-Baptiste Elissalde. C’est un joueur d’une grande intelligence. C’est absolument vital d’avoir un joueur comme ça. En particulier dans un sport comme le rugby. C’est un distributeur du jeu, il a une vista, une vision globale du jeu. Il est très précieux. C’est un peu comme un numéro 10 au foot. En plus, ce que j’apprécie c’est qu’il est fin. Ce n’est pas une armoire à glace. Il me plaît beaucoup. Il y en a d’autres. J’ai aimé Dusautoir. Pas simplement parce qu’il a marqué mais pour l’ensemble de son œuvre. Michalak a été très très bien aussi. On parle beaucoup de Chabal. Très bien. Mais il n’est pas le seul. C’est une équipe. Il y a d’autres joueurs qui sont au moins aussi bons que lui. C’est un groupe. Il ne faut pas l’oublier.

Avant la rencontre, vous pensiez que l’exploit était possible ? Oui, je croyais que c’était possible. D’abord parce qu’on les avait déjà battus. Ensuite, sur un match, il n’y a pas de raison qu’une équipe comme celle-là ne puisse pas accomplir l’exploit. Elle en avait déjà réalisé auparavant. La France a tout de même un avantage, c’est le pays de cette équipe qui organise la Coupe du monde. C’est « leur » Mondial. Ça doit quand même créer une émulation supplémentaire. Ce n’aurait pas été extraordinaire pour la suite que le pays organisateur disparaisse en quart de finale. Surtout quand on a un effectif qui est quand même l’un des meilleurs du monde. Il n’y avait pas de raison de ne pas y croire du tout. L’équipe de France, ce n’est pas la Namibie. Et je n’ai rien contre la Namibie. Ils sont très sympathiques mais ne jouent pas tout à fait dans la même cour. On n’est pas une équipe de ringards. Il faut arrêter avec ça. On a l’impression d’écouter le même discours que lors de la coupe du monde 98 avec le football. Tout d’un coup, on expliquait que Jacquet était une tarte et que les joueurs qui composaient l’équipe de France étaient des bananes. On n’est pas dans ce cas de figure-là. L’équipe de France, c’est une des équipes fortes du rugby. Une des grandes équipes de la Coupe du monde. Donc à un moment donné, il n’y avait pas de raisons qu’elle ne puisse pas accomplir un exploit.

Vous semblez remonté contre le défaitisme qu’il y avait avant cette victoire face aux Blacks ? C’est très français. Il y a 60 millions d’entraîneurs de l’équipe de France de rugby. Au lieu de croire en soi, on commence par dénigrer. Par critiquer. C’est tout à fait symptomatique de notre pays. C’est totalement français.

« Il faut les prendre de vitesse »

Que pensez-vous de l’engouement médiatique et populaire qu’il y a autour de cette Coupe du monde ? Moi j’adore le rugby, donc ça ne sonne pas très bien ce que je vais vous dire. Mais mettre cette compétition, qui est certes très excitante et très agréable pour les Français, avant tout ce qui peut se passer dans le monde, résumer l’actualité au rugby, ça me gêne ! Il faut remettre tout ça à sa place. C’est un jeu. C’est formidable. C’est épatant. C’est passionnant. Mais il y a quand même des choses plus graves que ça dans le monde. Ouvrir tout le temps, tous les journaux sur le rugby, savoir s’ils ont mis un slip rouge, s’ils ont mangé une saucisse ou un steak, c’est de l’idolâtrie. Ça devient complètement con et ça m’énerve. Ça veut dire au moins une chose, c’est une France qui veut gagner. Or, ça fait longtemps que l’on n’a pas gagné. Et ce n’est pas un hasard si on dit que si la France gagne, ça redonnera le moral. D’une certaine manière, il y a quelque chose là-dedans qui représente bien plus que du rugby.

Revenons à la compétition. Prochain adversaire des Français : l’Angleterre, pour une place en finale...Vous êtes confiant ? Face à l’Angleterre, c’est un piège total. On se dit forcément que, comme on a battu les plus forts, on va être champions du monde. Il ne faut surtout pas penser que ça va être une formalité. Ce sont des joueurs qui ne nous ont pas toujours réussi. Ils nous ont même en grande partie posés des problèmes puisque je crois qu’ils ont gagné 45 fois et nous 37. Effectivement, l’équipe de France a gagné les six ou sept dernières rencontres (ndlr : les deux dernières en réalité). Mais, il faut se méfier des Anglais. D’abord parce que ce sont des grands joueurs. Ensuite parce que quand on croit que la bête est morte, elle renaît. Ce sont des clients. Ils sont champions du monde en titre, ce n’est pas rien. On peut absolument être pris en contre. Se faire piéger par eux. Ça semble apparemment moins difficile que face aux Blacks. Quoi que je n’en suis pas si sûr...

Quelle sera la clé de cette demi-finale contre l’Angleterre ? Il faut d’abord déstabiliser leur jeu. Ils n’ont pas du tout le même jeu que les Blacks bien entendu mais il faut que la défense soit aussi hermétique qu’elle a pu l’être face en quart de finale. C’est clair. Je pense très sincèrement qu’il sera vital que l’équipe de France retrouve un rugby, sinon champagne, au moins électrique. Il faut les prendre de vitesse. C’est impératif. Parce que les Anglais, c’est des taureaux. Moi je dis ça et c’est élogieux dans ma bouche. Les Anglais, c’est des barbares. Dans le bons sens du terme j’entends. Au moins aussi redoutables que les Blacks. Face à eux, il faut être « Elissaldien », c’est-à-dire très intelligent et très en vitesse d’exécution. Si on devient didactique, si on réfléchit trop, si on pose le jeu, je ne suis pas certain que l’on gagnera.

En finale, vous préféreriez que l’équipe de France affronte l’Argentine ou l’Afrique du Sud ? Je crois qu’il serait préférable qu’elle affronte l’Argentine. Bien que le dernier match des Africains du Sud n’ait pas été absolument éblouissant. Ils ont failli se faire planter par les Fidji. Il s’en est vraiment fallu d’un cheveu. S’ils ne s’étaient pas un peu relâchés au dernier moment... Curieusement d’ailleurs, toutes ces équipes très fortes et craintes, se sont faites finalement balayer. Que ce soient les Blacks, l’Australie... L’Afrique du Sud, elle, revient de loin. Je crois que je préférerais tout de même les Argentins en finale. Ils ont fait des progrès extraordinaires. Ils sont bons mais je suis certain que la France a les moyens de contrecarrer un jeu comme celui-là. J’en suis même absolument sûr. L’Afrique du Sud dans un grand jour, j’en suis beaucoup moins certain...


P.S 10 octobre 2007 - 08 h 12 - Alexandre MARAS - LeSite Rugby


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