Pierre Berbizier

Demi de Melée (Numéro 9)
mercredi 25 mars 2009
par  Stango
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Pierre Berbizier, demi de mêlée du XV français du siècle*, ancien capitaine des Bleus, international entre 1981 et 1991, sélectionneur lors de la Coupe du monde 1995, nous livre sa vision du poste.

La direction du jeu et des hommes

« Pour moi, le demi de mêlée est le meneur de jeu, la personne qui se met au service du jeu pour son équipe. Quelle différence avec le demi d’ouverture ? Le demi d’ouverture mène le jeu des arrières, et le demi de mêlée mène le jeu devant. Leur complémentarité influence beaucoup la qualité de jeu d’une équipe. Mais sur le plan technique comme sur le plan tactique, je ne crois pas beaucoup à la polyvalence entre les deux postes. Ils ont chacun de vraies spécificités. Leur situation dans l’espace-temps n’est pas la même. La polyvalence peut être intéressante. C’est aussi un piège. A un moment donné, on s’empêche d’aller au fond des problèmes que rencontre de façon spécifique chacun des postes. J’étais moi-même centre au début de ma carrière, en équipe de France juniors, avec Didier Codorniou. A Lourdes, j’étais polyvalent centre, arrière, demi d’ouverture ou demi de mêlée. J’ai vite compris que c’est ce poste qui correspondait le mieux à mes qualités. Il est devenu ma préférence, en raison de sa dimension décisionnelle, et car c’est le poste où l’on touche le plus de ballons. Ce poste prépare-t-il au rôle d’entraîneur ? Oui, dans la mesure où c’est un rôle de direction du jeu et des hommes.

Je peux citer deux rencontres clefs pour l’appréhension de ce poste. Deux entraîneurs. Il y a eu Robert Bru, qui m’a permis de théoriser ma pratique et de comprendre mon rôle, et évidemment Jacques Fourroux, qui m’a amené au haut niveau. Le demi de mêlée est le dépositaire de la stratégie définie avant le match, avec la liberté de manoeuvre qui doit lui permettre de s’adapter. L’entraîneur prévoit tout sauf ce qui se passe sur le terrain. Il est indispensable de responsabiliser les joueurs envers le jeu, notamment le 9. Le demi de mêlée n’est pas à proprement parler le patron de la mêlée. Le patron, c’est le talonneur. La mêlée est une phase de combat, et c’est le 2 qui la dirige. Le demi de mêlée, lui, organise. Quand une mêlée souffre, il souffre aussi. Il prie pour que ça s’améliore, car il y a très peu de moyens pour renverser un tel rapport de forces. Seuls des petits artifices comme des sorties rapides travaillées avec le talonneur peuvent permettre de subir un peu moins.

Gareth Edwards et Dave Loveridge, les références

Pendant la mêlée, la phase de conquête ne concerne pas directement le demi. Mais il doit savoir avant l’introduction quelle utilisation il compte faire du ballon. Ensuite, il est là pour observer la situation, la comprendre et donne la meilleure réponse possible au moment de l’éjection. Le rapport du 9 avec ses avants, c’est de la communication, avant et après. Il doit rappeler les grands principes, l’importance de la possession du ballon, sensibiliser les conquérants sur l’utilisation qui en sera faite. C’est la même chose en touche. Il y a une relation particulière avec le talonneur (le 2) et le troisième ligne centre (le 8). Avec le premier, il y a une relation de conquête directe, un travail de coordination effectué à l’entraînement sur l’impact et l’introduction. Avec le deuxième, ce même travail concerne la sortie. Dans une situation défensive, le demi de mêlée est un élément charnière d’organisation de la défense et de la reconquête. Il guide les avants et intervient lui-même, parmi les premiers, pour créer le plus vite possible les conditions de la récupération. L’entraînement spécifique du n°9 concerne tout ce qui touche à la vivacité du geste : passe, jeu au pied.

C’est un poste qui correspond le plus aux petits gabarits et à leurs qualités de vivacité. L’évolution du jeu ces quinze dernières années n’a pas changé le poste sur le fond, malgré l’apparition de joueurs plus physiques comme Kelleher ou Weepu. C’est dû à l’époque, mais ils n’ont pas fait disparaître des profils comme Elissalde, Gregan ou Stringer. Dans l’histoire du rugby, j’accorde une place particulière au Gallois Gareth Edwards et au Néo-Zélandais Dave Loveridge. Edwards (53 sélections entre 1967 et 1978) était un demi de mêlée finisseur. Dave Loveridge (54 sélections entre 1978 et 1985) était un créateur de mouvements autour de lui. Le demi de mêlée idéal, ce serait la synthèse entre les deux. »


Par Cédric ROUQUETTE (L’équipe.fr)

* Le XV français du siècle a été établi par cinq anciens sélectionneurs, pour L’Equipe Magazine, qui a publié cette équipe idéale en février 2006.


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